Inconnu au bataillon [Terminé]

Quand on pense avoir tout vu, on a souvent tort ! Greg ne parlait pas forcément de ce qu’il pouvait voir dans son métier en tant que patrouilleur dans la Police. Et non ! Mais plutôt dans ce qu’il découvre au point de vue familial. Bon, ce n’était pas forcément une grande découverte dans le fond … Qu’on rembobine :
La mère de Greg, Jackie, depuis la mort de son mari, s’était mise à la généalogie. Allez comprendre cette nouvelle lubie mais pourquoi pas ! Du coup, sa mère avait découvert qu’il y avait une partie de la famille vivant sur New York mais c’était une famille qu’aucun membre de la famille ne connaissait puisque dans la branche généalogique, cette famille New Yorkaise était assez éloignée. Vous savez, quand ça concerne la sœur ou la cousine de la grand-mère et que finalement, ça remonte à loin, se perdant de vue, on ne finit pas par se connaître, chacun faisait sa vie de son côté. Ca faisait partie de la vie et c’était une chose qu’on pouvait trouver totalement normal.
Et dernièrement, en donnant des nouvelles à sa mère par le biais du téléphone, Greg sut alors le décès de la cousine de son grand-père paternelle : une Harington, et que l’enterrement était pour bientôt… Bien ! Enfin, Greg n’allait pas se plaindre : sa mère adorait aller dans les détails. Quand elle commençait son histoire, impossible de l’arrêter… Alors heureusement qu’il avait appris à faire plusieurs choses à la fois avec le téléphone accroché à l’oreille… même quand la conversation devenait un peu glauque.

Du coup, c’était une petite découverte … ou grande, c’est selon. Depuis le coup de fil, Greg avait pas mal réfléchi sur cette famille qu’il ne connaissait pas. De découvrir le décès de cette grande tante ne lui faisait ni chaud ni froid car il n’avait eu la chance de connaître son existence auparavant, et pour le coup, de la connaître. Au final, ce n’était pas dommage ? Et dire que là, il était dans la même ville qu’eux, alors peut-être que c’était l’occasion de les connaître… Certes, ça serait une rencontre dans des circonstances malencontreuses mais pourquoi pas ?

Et c’est pour ça qu’en ce jour d’automne, il se trouvait au cimetière, pour l’enterrement, habillé d’un costard noir. Il aurait bien voulu voir ses sœurs aussi mais celles-ci avaient un peu leurs obligations à New Haven, leur vie de famille et enfants, il n’allait pas leur en vouloir pour le coup ! Sur ce, Gregory regardait un peu autour de lui en se demandant qui pouvait qui par rapport à qui ? Sûrement son côté flic qui parlait…. Ou pas, puisqu’il fallait avouer qu’il ne connaissait personne et qu’il venait tout de même comme un glandu à un enterrement d’une personne de famille qu’il n’a jamais entendu parlé, ni cotoyé.

En observation, Gregory aurait presque l’impression d’être un peu paranoïaque parce que à se demander si chacun d’entre eux se connaissaient et qu’au final, ceux-ci se demanderaient si lui, il n’était pas pour dépouiller quelqu’un. Diable, c’était poussé le bouchon bien loin. Après tout, pourquoi penser ce que pourrait penser les gens … Surtout qu’ils étaient à un enterrement et c’était un peu déplacé comme pensées.

Silencieux, il suivit ce petit monde à la réception funéraire dans le Queens pour ceux qui voulaient discuter, raconter des souvenirs, etc. Si Gregory avait fait la route jusque-là, ce n’était pas pour fuir à la suite du cimetière… Autant aller jusqu’au bout ! Le regretterait-il au final ? Allez savoir ! En tout cas, Gregory avait repéré certains visages qu’il avait vus au cimetière, même s’il était loin de savoir qui était par rapport à qui … Mais allez expliquer à certaines personnes qui il était par rapport à qui … Et il pouvait peut-être en surprendre plus d’un (plus d’une vieille précisément) parce que bon, il venait d’une génération lointaine, le petit-fils d’un cousin, etc.

Bon, pas qu’il n’aimait pas la gente féminine, mais il préféra s’éclipser vers le buffet où là, il croisa le grand gaillard, celui où les gens lui accordaient le plus d’attention pour les condoléances. Il avait su par les très chères mesdames - avec qui il avait discuté précédemment - que c’était le fils unique de la défunte, William. Gregory en profita alors pour lui souhaiter ses propres condoléances, en se présentant au passage. Enfin, le flic croisait un Harington. Malgré le contexte, Gregory était plutôt content de le « rencontrer ». Malheureusement, il fallait qu’il soit interrompu par une autre personne. Greg en profita pour s’éclipser mais se promit de laisser ses coordonnées, savait-on jamais, pour reprendre contact. Ce n’était pas spécialement la situation adéquate pour faire ami-ami autour d’une bière. Si ? Surtout que pour le moment, il y avait bien trop de monde, et ce cher Will est très demandé. Sacrebleu !

Sur ce, pas qu’il en avait marre mais il avait envie de prendre un peu l’air. Il se dirigea vers le jardin derrière la maison, et resta au bas de la porte. Dans une main, il avait un verre de jus d’orange, et quant à l’autre, dans la poche. Greg jeta des coups d’œil et il y avait pas grand-monde, enfin si on ne comptait pas ces enfants qui jouaient au loin, écrasant et faisant voler les feuilles autour de la balançoire et d’autres faisant de la balançoire… Ah l’innocence ! Bref, ils étaient occupés alors… pas de témoins pour son futur geste : il sortit sa flasque d’une poche de sa veste pour mettre un peu d’alcool au fond de son jus d’orange… Flasque qu’il sortait pour peu d’occasion ! Puis cela fait, Gregory leva les yeux au ciel :

A la tienne, Mémé ! Paix à ton âme.

Non, il ne pétait pas son câble, surtout qu’il ne connaissait pas cette pauvre femme. Il soupira et baissa son regard pour observer les enfants, mais son regard dériva sur une personne sur sa gauche assise sur un banc : c’était l’adolescente qu’il avait pu voir auprès du grand gaillard Harington. Sa fille, pouvait-il en déduire. Sur ce, Gregory décida de s’approcher doucement d’elle. Bon, en marchant sur un tas de feuilles, il n’avait pas été très discret mais au moins, ça pouvait marquer sa présence.

Est-ce que ça va ?

Qu’il était con ! C’était une question très conne lors d’un contexte pareil… Surtout que la gamine aurait pu très bien être proche de la défunte.

Navré … Ce n’est pas une question à poser ! Toutes mes condoléances …  

What ? Bon, forcément, à une intrusion pareille et surtout aussi maladroite, Gregory pouvait s’attendre à quelque chose dans le genre mais pas avec autant d’agressivité. Fichtre ! Il regarda l’intérieur de son jus d’orange et il n’avait pas encore picolé. Tout allait bien ! Et non, son verre n’allait pas lui parler pour lui conseiller de se tirer de là et surtout pour le traiter de con. Enfin, pour lui, la raison logique était qu’elle voulait être tranquille car elle venait de perdre une personne chère.

Non, Gregory n’était pas fier de son coup. Il aurait dû être plus subtil et ça n’avait pas été son cas. Pour dire, dans sa carrière, ce n’était pas comme s’il avait pu voir des familles effondrées… Et là, il se trouvait à des funérailles, bordel ! … Mais pour être objectif, la mémé n’était pas mieux là où elle était ? Bon, qu’il ferme sa gueule intérieurement.

Il soupira pour lui-même… Et il n’allait absolument pas tenir rigueur à cette demoiselle en détresse. Oui, il pouvait le définir ainsi et non, il ne se prenait pas pour Robin, le copain de Batman, pour venir à son secours… Ironie du sort, et surtout connerie quand tu nous tiens… Mais pour être un peu plus sérieux, Greg ne pouvait pas partir comme ça, en la laissant en crise de larmes. Il s’assit à côté d’elle sur le banc à sa droite, et posa son verra sur le bord du banc pour avoir ses deux mains libres. Bon, comment devrait-il la consoler ? En la prenant dans ses bras ? Surtout qu’ils étaient des inconnus pour l’un et l’autre et surtout, Greg ne savait comment elle pourrait réagir face à son geste, alors instinctivement, il passa un bras autour de sa taille pour l’entraîner un peu plus vers lui, histoire de prêter son épaule pour pleurer.

Hey, ne t’en fais pas … J’imagine que cette très chère dame était importante pour toi.

Et encore une fois, il était loin du compte.

Tu peux pleurer sur mon épaule. Ne te gêne pas. Bon, certes, ça fait bizarre venant d'un inconnu...Enfin un inconnu qui est un neveu lointain de la grande dame ... mais au lieu de m'appeler connard qui est si bien trouvé, appelles-moi Gregory.

Ah, bon, il essayait de la consoler comme il le pouvait mais il ne s'arrangeait pas tellement.

La sentence était tombée… Pourtant cela faisait un moment que ça pendait au nez mais de là à imaginer que ça arrive du jour au lendemain, d’un instant à l’autre, sans crier gare… Non... Le pompier en voyait des choses dans son métier, et ce, tous les jours ! Mais perdre sa mère, même à son âge, lui paraissait inconcevable. Malade d’Alzheimer, Will était préparé à ça, à la voir disparaître un jour succombant à cette maladie mais c’était une crise cardiaque qui l’emporta, emmenant sa mère rejoindre auprès de son mari disparu 17 ans plus tôt.

Au moment où il sut le décès par la maison de retraite, William était à la caserne dans la salle de repos, et il était bien resté une bonne demi-heure, assis dans le canapé, regard dans le vague, réalisant la chose… Il cherchait à mettre un sens, des mots sur son désarroi. Et au milieu de ses pensées, Jordan apparaissait et il fallait qu’il lui annonce la nouvelle …

William ne réalisa pas cette disparition toute suite. Bien qu’il paraissait bien le prendre jusque-là, comme si c’était normal puisqu’il ne voyait pas sa mère tous les jours à la maison de retraite, ce n’était qu’aux funérailles qu’il réalisait les faits et se prenait une belle gifle au milieu de la figure. Cela dit, malgré ce moment triste de la vie, il fut à la fois « content » de la présence de sa fille auprès de lui, bien qu’il cherchait à continuer à faire bonne figure devant elle.

Dans l’ensemble, il fut surpris de voir ce petit monde. Will reconnaissait certains visages mais il y en avait d’autres qu’il ne connaissait point du tout : des amis de sa mère ou une partie de sa famille qu’il n’avait pas jusque-là eu l’occasion de rencontrer… Beaucoup venait à lui pour lui souhaiter leurs condoléances, des gentils de mots de leur part…

La suite se fit à la réception dans le quartier du Queens : Will n’avait pas l’impression d’avoir un seul moment à lui pour souffler, il se devait encore et toujours faire bonne figure, et il se le devait. Une pause était méritée même si les gens étaient des plus sympathiques… Et parmi tous ces gens, il n’avait plus vu sa fille et il se demandait où elle était passée… Madame Flowers, une proche de sa mère, passait devant lui et lui posa alors la question, si elle avait vu Jordan. Miss Flowers se fit un plaisir de le guider. Apparemment, elle l’avait vu sortir dehors un peu plus tôt… Enfin, il y avait de cela un moment.

Sur ce, Will partit à sa rechercher à l’extérieur et finit par la trouver dans le jardin, derrière la maison, et à côté d’un mec. Au début, son côté protecteur surgit, il plissa les yeux. Papa poule qu’il était. Tout en s’approchant, il s’apercevait que c’était le type qui lui avait adressé la parole un peu plus tôt.

Gregory, c’est ça ?

Non, non, il ne le regardait pas d’un air suspicieux dans le genre « Lâches ma fille, tu veux ? ». Même si le petit gars – un neveu – lui parut super sympathique lors de l’entrevue un peu plus tôt. Mais à la tête de sa fille, il pouvait bien remarquer que ça ne lui plaisait pas tout ça…

Ca te dit de te séparer de ma fille ?

Genre, « je veux dire discuter avec ma fille » et tout et tout, ou « laissez le papounet consoler sa fille »… Enfin, il y avait sans doute de ça mais non, il ne supportait toujours pas à l’idée pour l’instant qu’un garçon puisse tourner autour de sa fille qu’il voyait toujours comme son enfant, son trésor.

« Mais tu n’es pas doué, ma parole ! » furent ses propres pensées. Ou plutôt s’il ne se traitait pas de con de lui-même. Il ne savait trop ce qui lui prenait à vrai dire mais pour après une boulette faite, il n’était plus à ça près, n’est-ce pas ? Greg avait bien senti que l’adolescente s’était raidie et n’était pas forcément des plus à l’aise… C’était tout à fait normal après tout, il s’imaginait bien être un vieux pervers s’invitant à un enterrement. La meilleure…

Sur ce, il fut interrompu par un intrus qui n’était autre que… ce cher William, qui avait l’air assez protecteur envers sa fille. Greg obtempéra, levant les bras comme s’il avait commis un délit. Il comprit qu’il ne fallait pas toucher au plus précieux :

Désolé, je ne voulais pas offusquer …

L’adolescente dont Gregory ne connaissait encore le nom, se demandait s’ils se connaissaient … William répondit :

On vient tout juste de se rencontrer ... Gregory Harington. C’est le petit-fils de la cousine de ta grand-mère, Jordan …

Il avait une mémoire de ouf ! Enfin, en tout cas, c’était bien le cas et pour qu’ils aient le même nom de famille, les Harington doivent aimer les mêmes filles de la même famille. Sur ce, le pompier continua sur sa lancée de présentation :

Gregory, je te présente ma fille, Jordan.

Enchanté ! fit Gregory, tout souriant.

Le pire, c’était qu’en agissant ainsi, il se ferait presque passer pour un psychopathe. Et se sentant un peu stupide tout en se levant, il but une gorgée de son verre pour se calmer dans son délire.

Je tiens à être clair, je ne veux pas de malentendu ou que mes gestes soient mal pris. Je ne suis pas un psychopathe ou quoi … Et je ne suis pas là pour profiter de la détresse de certains hein … Je viens de découvrir que j’ai de la famille en ville, je ne veux pas déjà me les mettre à dos …

Il semblerait que ce n’était pas très grave, venant de la part de Will du moins, car celui-ci reprit la parole :

Malheureusement les circonstances ne sont pas très joyeuses mais peut-être que nous aurions plus l’occasion de nous connaître autour d’un diner. Qu’est-ce que t’en penses, Jordan ?