[Zoo] Naé fait de la plongée sous marine [Terminé]

Naëlle faisait de son mieux pour ne pas montrer que les rumeurs, les moqueries, ne la touchaient pas mais elle avait de plus en plus de mal à garder la tête haute. Elle n’avait personne à qui parler. Du moins, elle ne voulait pas parler parce qu’elle avait la sensation d’en faire une montagne, de se monter la tête avec des broutilles. Sans oublier qu’elle avait peur qu’on l’envoie sur les roses. Tout le monde avait ses problèmes à gérer, elle ne voulait pas embêter les autres avec les siens.

En ce vendredi après-midi, la lycéenne avait quitté l’école à l’heure du déjeuner. Elle assumerait plus tard d’avoir séché les cours, d’être partie comme une voleuse. Les retenues ça la connaissaient à présent, même si elle faisait tout son possible pour les éviter. Déjà que ses notes étaient encore en train de chuter depuis quelques temps, elle se faisait donc aussi discrète que possible.

Une fois sortie du bahut, Naé prit la direction de l’arrêt de bus. Elle devait avoir une sale tête, vu que les gens qui attendaient leur correspondance la regardaient bizarrement. Bon en même temps, il fallait avouer qu’elle dormait et mangeait très peu, et qu’elle faisait des efforts pour ne pas éclater en sanglot. Elle s’interdisait de pleurer dans l’enceinte du lycée, parce que ses détracteurs s’en donneraient à cœur joie. Même chez elle, elle n’osait pas se laisser aller. De toute façon à quoi bon ? Actuellement, il n’y avait personne pour la cajoler. Natéo était un vrai fantôme, sa sœur était partie en Europe pour suivre le stage de pâtisserie pour une durée de 6 mois qu’elle avait remporté. Comme à chaque fois, qu’elle n’allait pas bien, ses pas la conduirent au Zoo et dans le secteur de son animal favori.

Elle posa son sac à dos sur le banc à côté d’elle avant de s’asseoir. Elle regarda les pingouins : gauche sur la terre ferme mais adroit une fois dans l’eau. Au bout d’un moment, elle finit par fermer les yeux parce qu’elle avait l’impression d’avoir le tournis à les voir voltiger dans leur bassin. D’habitude, entendre le cri de ses animaux avait un libérateur mais pas cette fois. Son esprit, traitre qu’il était, s’amusait à faire tourner en boucle les derniers événements : la dispute avec Connor, la bagarre par sa faute, son renvoi, le pari… Et la réconciliation éphémère qui avait fini en rupture après à un "je t'aime" codé du son Anglais. Ainsi qu'une discussion avec Johanna, sa meilleure amie, sur ce qu'elle avait à lui apprendre sur la prétendue groupie. Un nœud finit par se former dans sa gorge, les premières larmes commencèrent à franchir la barrière de ses cils.

Autant dire, qu’elle avait probablement l’air d’une folle échappée d’un asile de fou…

Se laisser aller ainsi dans un lieu public comme celui-ci, n’était probablement l’idée du siècle. Premièrement, elle allait attirer l’attention des promeneurs. Deuxièmement, elle pourrait tomber sur un psychopathe qui allait profiter de sa détresse pour refermer les mailles de son filet sur elle. Et dernièrement, elle n’avait même pas eu l’intelligence d’envoyer un sms à l’une de ses amies pour lui dire… Mais quoi au juste ? Il faut que j’aille prendre l’air parce que je n’en peux plus ? Je rentre chez moi, je ne me sens pas bien ? Finalement, c’était peut-être mieux ainsi parce que Johanna aurait saisi l’occasion pour l’accompagner pour la discussion dont elle la serinait depuis la dernière.

Et de toute façon, il lui fallait passer par cette étape. Mais le souci que ça pouvait la prendre à n’importe quel moment, au lycée quand elle sentait qu’elle en était à deux doigts : direction les toilettes. Pour ne pas attirer l’attention davantage sur elle.

Une personne lui demanda si tout allait bien. Bien sûr qu’elle se portait à merveille, les oiseaux chantaient, les abeilles butinaient, le soleil était au rendez-vous… Elle fut surprise de voir un homme accroupi en face afin de lui faire face, un mouchoir à la main. Elle qui allait lui répondre autant dire qu’elle ravala les paroles qui lui avaient traversées l’esprit.  

- Je dirai plutôt un escadron d’idiot… Rétorqua-t-elle en essuya ses joues avec lui mouchoir qu’il lui avait tendu.

Que dire d’autre surtout à un parfait inconnu ? Apparemment, il devait être médium pour avoir plus ou moins découvert cela juste en l’observant. Et elle se sentait encore plus idiote à présent. On pouvait lire en elle comme un livre ouvert, et les ragots devaient circuler à vitesse grand « V ».

- Mais j’avoue que j’aimerai bien avoir une bonne nuit de sommeil, reconnut-elle. J’ai quasi tout essayé : le yoga, les bains chauds, un verre lait chaud avec une cuillère de miel, tisane à la camomille.

Peut-être qu’elle n’avait pas opté pour la meilleure des activités physiques : le yoga sur dvd, ni persévérer. Quelque chose de plus physique était surement mieux indiquée dans le cas actuel. Il y avait aussi la possibilité de prendre un somnifère mais elle se trouvait encore trop jeune pour la choisir. Donc la cuisine était un compromis pour elle, ça lui permettait de se détendre mais le souci était que de voir toute cette nourriture lui donnait la nausée. Enfin, le plus heureux était son frère, qui avait de bon petit plat pour lui tout seul.

- Oui je sais ça va passer, il faut que je laisse le temps faire son œuvre, fut sa conclusion.

Cela dit, ce n’était pas bien difficile depuis quelques semaines elle entendait cette phrase ou ses cousines.

Sur ce point, il avait entièrement raison : les mecs n’avaient pas leur pareil pour déconner plein tube. Et aujourd’hui, elle en payait les pots. Certes, elle était en partie responsable de sa débâcle amoureuse : pour ne pas dire que la faute lui revenait entièrement. Elle resta silencieuse parce qu’elle ne voyait pas ce qu’elle pourrait rajouter à cela. Naé ne savait pas si elle devait partir, rester, ou même faire tout simplement quelque chose. Toutefois, ces derniers temps elle rêvait redevenir une petite fille, pour pouvoir grimper sur les genoux de son père – sentant bon le chocolat – pour se faire cajoler et puis manger une portion de mousse au chocolat qu’il lui rapportait de la pâtisserie. Hélas, ce n’était plus possible aujourd’hui.

Après il lui dit qu’elle pourrait tenter de faire du footing pour s’épuiser et se vider l’esprit. Ce n’était pas une mauvaise idée mais… Oui, parce qu’il y a toujours un mais :

- Peut-être, mais j’ai bien peur que ça ne me soit pas recommandée non plus ! Dit-elle à l’homme, mais pas pour dire qu’elle ne voulait pas faire de sport : Vous laisseriez votre gamine ou sœur de 17 ans sortir faire un jogging à 5h de matin pour ne pas être en retard au lycée ou après 21h quand elle aurait fini ses devoirs ?

Et en même temps, elle était bien au Zoo alors qu’elle devrait se trouver dans l’enceinte du Lycée St James. Et comme, elle vivait plus ou moins seule à présent, personne ne pourrait avoir d’inquiétude.
La métisse ne fut même pas choquée par le passage au tutoiement. Pour dire, elle ne s’en était même pas aperçue. A vrai dire, elle était plus tentée par l’idée de vider le bar de l’appart que de courir mais elle ne tenterait pas le diable. Elle avait encore en tête sa première soirée alcoolisée avec Connor. Encore une fois, son esprit le faisait revenir sur le devant de la scène. S’il y avait eu un caillou, une canette vide devant elle, Naëlle aurait volontiers shooté dedans pour se calmer.

- C’est Naëlle pour moi ! finit-elle par répondre à l’une de ses questions avant de se perdre dans les méandres de son esprit.

Naé était en train de réfléchir à ce qu’il venait de lui dire. Ce type était fou pour lui parler philo à cette heure-ci, alors qu’elle n’avait pas dormi plus de elle ne savait pas trop en fait. Elle avait perdu le fil de son compte de sommeil perdu, d’ailleurs ce matin la prof de Maths lui avait demandé si elle ne voulait pas aller se reposer à l’infirmerie. Et sans oublier, qu’elle n’était pas franchement en état de retourner une nouvelle fois toutes ses pensées, dont certaines étaient beaucoup trop douloureuse pour le moment.

Toutefois, elle finit par reprendre la parole :

- Et quand on ne sait pas ? Voulut-elle savoir. Imaginez que vous êtes une jeune femme, que vous tombez amoureuse, que vous faites la bêtise de le dire à ce garçon. Quand vous le retrouvez, il vous avoue enfin ses sentiments à sa façon et même pas cinq minutes se sont écoulées vous découvrez qu’il n’a pas su vous attendre. Et le pire dans cette histoire, c’est que je me sens responsable, que je ne peux pas m’empêcher de me dire que si j’avais couché avec lui, je ne serai pas en train de souffrir.

Elle ne lui parla pas des histoires de lycéens, ce n’était pas le plus important même si ça lui pesait également. Il y aurait toujours quelqu’un pour lui mettre dans la gueule qu’elle n’était pas de leur milieu, qui ne pourrait s’empêcher de dire que Connor se payait sa tête et que ce n’était qu’un pari, comme dans le film « elle est trop bien » où les mecs parient que l’un de leur copain ne pourra pas aller au bal avec une paria du lycée. Enfin, dans ce film la fin se termine bien parce que ledit garçon tombe amoureux et réussit à reconquérir le cœur de sa belle après qu’elle eut su la vérité sur toute l’histoire.

Pour une fois qu’elle ne disait pas des sottises. Enfin en même temps, elle s’était bien faite agressée dans le parc, elle n’avait rien eu c’était juste impressionnant comme situation. Depuis, elle s’en était remise même si elle regardait plus souvent par-dessus son épaule dorénavant. Cela dit, elle pourrait peut-être demander à ses copines de l’accompagner les weekends. Celle qui aurait du mal serait probablement Johanna avec ses nuits agitées, enfin quand elle avait quelqu’un dans son viseur.

Bref, il lui fallait trouver une solution pour dormir au moins quelques heures supplémentaires. Ça pourrait lui être que bénéfique, comme ça lui éviterait de s’endormir en plein cours, chose qui avait failli lui arriver ce matin-même.

- Non, je n’ai pas vraiment le temps ! Reconnut la jeune femme. Entre mes heures de soutien, celle que je fais à la pâtisserie familiale, mes baby-sitting et mes devoirs, se justifia-t-elle.

Certes, elle n’avait pas besoin de le faire mais Naé estimait qu’il avait droit à ses réponses pour comprendre. Même s’il s’en moquait royalement en fin de compte. La demoiselle avait lâché une petite information, qu’elle n’avait même pas divulguée à ses meilleures amies. La métisse faisait des heures à la pâtisserie parce qu’il avait fallu remplacer Méli pour son congés maternité et que le remplaçant ne pouvait pas être présent à certaines heures pour assister à ses cours universitaires. Enfin, quoi qu’il en soit, Naé allait devoir trouver un remplaçant pour les deux vu que la première souhaitait s’occuper de son bébé, que le second quitterait New-York bientôt.

Tout ça pour dire que Suzan et Johanna n’étaient pas au courant du fait qu’elle était seule avec Natéo pour une durée de 6mois.Néanmoins l’homme assis à côté d’elle ne pouvait pas savoir qu’elle était une Sullivan, d’autant plus que Naé ignorait qu’il était le patron d’un restaurant.

Et voilà, qu’elle se mit à lâcher le gros du problème. Connor. Elle en était arrivée à la conclusion, que c’était de sa faute s’ils en étaient arrivés à ce point de non-retour. Apparemment ce qu’il entendit ne fut pas plaisant parce qu’il lui attrape le menton pour qu’elle lui fasse face.

De nouvelles larmes firent leurs apparitions. Elle tenta de les chasser comme elle l’avait avec Connor quelques jours auparavant.

- Ce n’est pas que je n’en avais pas envie, juste que je voulais un « je t’aime » de sa part, reconnut la lycéenne.

Elle venait de lui répondre cela quand elle comprit à sa façon les paroles de cet homme.

- Attendez, vous êtes en train de me dire que lorsque il m’a dit avoir des sentiments pour moi, que c’était des balivernes ? Du moins pas avant cette autre femme ?

C’était quand même bien tordu comme idée. Et si c’était vrai à quoi ça rimait de cogner sur ses crétins quand ils l’embêtaient dans les couloirs. En fait, les hommes étaient tout aussi incompréhensible que les femmes.

Sa vie était peut être remplie mais elle avait toujours réussi à trouver du temps pour voir ses amis. Enfin jusqu’à dernièrement, où elle s’inventait tout un tas de chose à faire : faire la poussière du salon ou de la salle de bain, des lessives, de la cuisine, du repassage, classer les dvd par style et ordre alphabétique, etc… Elle allait même jusqu’à tout balancer par terre et recommencer ses classements. C’était complétement débile mais ça lui occupait l’esprit.

Enfin bref, elle se leurrait pensant qu’il ne relèverait pas le passage sur la pâtisserie. Enfin non pas vraiment, après tout elle ne savait pas qui était réellement cet homme, sauf qu’il se prénommait Jake. Après tout elle ne perdait rien à le lui apprendre, juste un éventuel nouveau client.

- Oui, la Sullivan’s Pastry !

Elle n’en dit pas davantage sur le sujet, soit on connaissait de nom ou pour y être venu, soit son existence était complétement passée inaperçue.

La lycéenne avait compris l’avertissement. Il n’avait pas vraiment de soucis à se faire, Connor était son premier petit ami et il ne lui serait pas venu à l’esprit de se donner à lui sans s’en être sûr. Même lui d’ailleurs vu qu’ils avaient souvent mis fin à leur câlin sachant que ça n’aboutirait pas. Pourtant, elle avait attendu ces trois petits mots qui n’étaient jamais venus, même quand il lui avait fait comprendre qu’il éprouvait des sentiments. Cela dit, elle ne répondit pas à l’interrogation, ses joues enflammées le firent pour elle. C’était quand même bien étrange qu’elle puisse parler librement de certaines choses mais pas sur d’autres.

Puis il précisa le fond de sa pensée vu qu’elle n’avait pas compris. Cela dit, elle ne se sentit pas mieux pour autant. Être malheureuse était une chose mais savoir l’autre aussi mal était une autre. C’était encore plus tortueux pour son cerveau fatigué d’essayer de comprendre le raisonnement.

- Oui, je comprends parfaitement ! Fut le début de sa réponse. Même si je trouve ça assez surréaliste !

Enfin, elle retenait une chose importante : tous deux souffraient de leur rupture. Que chacun faisait de son mieux pour garder la tête hors de l’eau, ou jouait carrément un rôle devant les autres.

- Non, c’est la morsure dans son cou qui s’en est chargée pour lui ! Répondit-elle. Et non, ce n’est pas moi qui la lui ai faite ou alors je suis somnambule et je traverse toute la ville en pleine nuit pour le retrouver dans son lit !

Et bientôt il viendrait lui dire « Chérie, t’es plus vierge ! On a fait un gros câlin mais tu dormais ! ».

- Et je ne lui ai pas laissé le temps de s’expliquer, je suis partie en courant après lui avoir dit que je ne voulais plus jamais entendre parler de lui ! Termina-t-elle.

*Et voilà, encore un qui la connait !* ne put s’empêcher de penser Naëlle. Et après, on irait encore dire qu’elle avait dans son cercle d’amis des hommes trop vieux. Ce n’était pas sa faute si elle parvenait à se lier d’amitié facilement avec gens plus âgés, surtout quand on savait qu’elle vivait avec ses ainés et qu’il y avait quasiment 10 ans d’écart avec Noëlia.

- Oui, je suis sa petite sœur !

De toute façon, ça n’aurait servi à rien de mentir. S’il venait un jour à la pâtisserie, il tomberait sur la dernière photo de famille accrochée à l’un des murs. Depuis ses neufs ans, elle n’avait pas vraiment changé : juste pris quelques centimètre en taille et de la poitrine.

- Je connais juste de nom, avoua-t-elle, Naé n’avait jamais eu l’occasion d’y aller diner vu qu’elle n’avait pas les moyens de se payer le restaurant. Si vous le dites, je vous crois ! Vous savez ma sœur ne me dit pas pour qui elle bosse ou non, enfin quand je n’y suis pas !

Oui, elle la mettait au parfum quand c’était qui était à la caisse pour pouvoir avertir les clients de son absence. Enfin, il n’y avait pas réellement de souci vu qu’elle était connue depuis les couches ici. La clientèle était fidèle, même la belle-mère de Suzan avait repris le flambeau en commandant les gâteaux aux Sullivans.

Puis ils poursuivirent la discussion sur Connor. D’un côté ça lui faisait du bien parce qu’elle pouvait vider son sac en quelque sorte, comme se confier. D’un autre, son absence, leur rupture, le fait de savoir qu’il pourrait la remplacer ça lui faisait mal. Pourtant, c’était elle qui avait mis un terme à leur relation.

- J’ai compris ce que vous m’avez expliqué, mais j’ai du mal à y croire ! Donna-t-elle en guise de réponse mais poursuivit malgré tout ce qu’elle avait en tête en se servant des mots de l’Anglais. Pour moi, il le savait avant que tous ces derniers ne se produisent. Autrement pourquoi il aurait fait appel à ma mémoire pour que je me rappelle tout ce qu’il avait fait pour me le montrer : casser la gueule aux crétins qui s’en prennent à moi et qu’il prend sur le fait ? Qu’il se montre si patient pour qu’on aille plus loin alors qu’il n’en fallait pas beaucoup, parce qu’il sait que je t’attends une chose de lui ? Enfin bon, maintenant ça ne sert à rien d’y penser ni d’essayer d’avoir des réponses : c’est fini ! Termina-t-elle d’une toute petite voix.

Même si elle disait cela, Naé n’en était pas convaincue pour autant. A un moment elle voulait savoir et à un autre, absolument pas. Un jour, elle ne voulait jamais l’avoir rencontré et le lendemain, qu’il la prenne dans ses bras.

*Encore tes petits films imaginaires !* lui rappela son esprit en imitant la voix de Connor.

Puis, elle éclata de rire quand elle entendit l’explication de l’homme. Est-ce qu’il pensait réellement ce qu’il était en train de dire ?

- Je sais que je suis crédule la preuve je l’ai cru quand il m’a dit avoir des sentiments, mais pas à ce point ! Quand je l’ai connu, il avait le même style de morsure au niveau de l’épaule !

Oups… Que ne venait-elle pas de dire ? A croire qu’elle avait eu sous les yeux constamment le phénomène mais qu’elle les avait fermés pour croire à leur histoire.

- Compliqué dans le sens que c’est ma première histoire, il n’y a pas une vieille chanson française qui dit « les histoires d’A finissent mal en générale » ? Dit-elle pour faire diversion parce qu’elle n’avait pas envie de parler de ladite histoire.

Oh mais elle ne s’inquiétait pas plus que ça la petiote. Sa sœur était à des milliers de kilomètre d’ici depuis plusieurs semaines, il n’y avait aucune chance pour qu’il tombe dessus au détour d’une rue. Sauf, si la pâtissière lui avait monté un bateau et qu’elle était restée ici. Mais il disait quand il prétendait que la situation était cocasse, le seul homme présent au zoo à lui faire la causette était l’une de ses connaissances.

Ce n’était pas hasard qu’elle avait lancé cette phrase un peu plus tôt « rien ne serait arrivée si j’avais couché avec lui ». Elle avait conscience que l’abstinence n’avait jamais été le fort de son Anglais jusqu’à leur réponse. Elle ne serait pas loin de la vérité si elle disait que c’était avec elle, qu’il l’avait été aussi longtemps depuis des années. Et il avait fallu une énième engueulade pour qu’il cède à ses anciens démons, se fichant bien de mettre tout en l’air. Certes, elle était la seule responsable vu que c’était elle qui l’avait jeté dans la fausse au lion. Elle encore qui aurait dû faire le premier pas vers lui afin de repartir du bon pied, mais non le destin s’était joué d’eux les éloignant l’un de l’autre.

- Si vous dites vrai, nos chemins se recroiseront d’une manière ou d’une autre ! Dit-elle sans grande conviction.

Pour elle, il n’y avait pas de raison pour que ça devienne réalité. En même temps, le destin était plus ou moins cruel avec elle alors pourquoi pas, il pouvait même y mettre des années. Tout était possible. De nos jours, on voyait beaucoup de couple se reformer après plusieurs années de séparation, généralement au moment des réunions des anciens du Lycée, c’était ce que le père de Suzan leur avait raconté. Cependant, elle ne se voulait pas avec trop d’espoir, les désillusions étaient beaucoup trop douloureuses.

Naëlle n’avait pas dépeint le meilleur profil de Connor. Oui, il avait été coureur de jupon mais il était aussi autre chose. Il se montrait attentif, doux, protecteur, aimant, mais il ne le montrait qu’à peu de personne. Mais bon, elle avait voulu démontrer qu’elle avait déjà vu une morsure identique à celle qu’elle avait vu, elle n’avait pas eu besoin de dessin pour comprendre.

- La seule chose qui vienne à l’esprit : c’est que ma vie elle est bien triste sans lui !

Elle venait de donner une phrase digne d’une adolescente, après tout c’était bien ce qu’elle était et il s’agissait de sa première histoire d’amour.

- Vous avez pas peur que la fille que vous draguez ici, se mette à penser que vous êtes un pervers qui essaie d’attraper une ado dans ses filets ? demanda-t-elle en se rappelant plus ou moins une phrase qu’il lui avait sortie. Oui, elle n’avait pas été très attentive mais elle avait compris le sens des mots et de la phrase.

Après l’avoir écouté Jake se mit à lui raconter une petite histoire sur son adolescence et sur une fille. Et honnêtement il n’y avait pas un côté rassurant, Connor irait à la rentrée prochaine à l’université, tandis qu’elle allait devoir rester ici avec cet escadron d’idiot. A choisir, elle ne voulait pas le retrouver pour le reperdre dans les mois à venir, ça lui ferait trop mal vu qu’elle aurait déjà connu une séparation. Sans oublier qu’ils auraient vécu plus de chose à deux.

Enfin ça, ça serait que s’ils se retrouvaient malgré l’océan qui les séparaient. Oui parce que le terme fossé n’était plus en adéquation avec leur situation.

- Peut être que vous approchez de l’âge canonique du Grand Schtroumpf ? Dit-elle pour s’amuser parce qu’il n’en était rien.

Il va de soi que la demoiselle n’insista pas sur le sujet car elle préféra se concentrer sur la fin de son explication. La fin ne lui plaisait pas non mais bon, il y avait aussi une happy end : les anciens amoureux étaient heureux de la façon dont ils avaient menés leur vie, pris leur décision.

- Quand on est une Sullivan, on ne croit pas au destin ! Il s’acharne contre nous !

Bien sûr, elle faisait allusion à son père, puis au fait qu’ils avaient été obligés d’interner leur mère. Puis elle était loin d’imaginer ce qui allait se produire dans un futur plus ou moins proche.

- Pensez à faire un vœu pour moi quand vous verrez une étoile filante, peut être que ça se réalisera !

Et oui, elle ne perdait pas le Nord. Il était certain que si c’était qui le faisait, ça ne ferait qu’empirer les choses mais si c’était une autre personne ? Déjà, elle ne saurait pas quand il le ferait, ni s’il s’exécuterait tout simplement. Mais oui, elle surmonterait cette épreuve comme une chef quel que soit le temps qu’elle y mettrait. Cela dit, elle n’était pas prête à redonner son cœur à quelqu’un d’aussitôt.

- Ca c’est du compliment, rétorqua-t-elle avec un mince sourire sur les lèvres. Vous les mecs, vous devez avoir un souci avec ce concept ! Je crois que je devrais en informer cette fille ? Qu’est-ce que vous en pensez ?

Oui, elle plaisantait avec sa blague pourrie du Grand Schtroumpf. Déjà il était loin d’être un vieux croulant donc d’approcher d’un âge canonique. Après, il n’avait pas d’habit rouge ni de longue barbe blanche. La dernière fois qu’elle s’était sentie aussi à l’aise avec un adulte de la trentaine, c’était avec Chris. A croire que le coin des pingouins lui portait plutôt chance au point de vue de faire des connaissances.

*Peut être que je devrais jouer au loto !* commença-t-elle à penser avant d’entendre une autre petite voix dans sa tête : *Tu oublies juste un tout petit détail ! T’es mineure !*

Ensuite, elle n’avait pas pu s’empêcher de faire une remarque sur la famille Sullivan. Oui, c’était idiot parce qu’il n’y avait pas qu’elle, en ville qui avait vécu une tragédie pareille. C’était juste qu’on n’y prête pas forcément attention et qu’on reste centré sur son histoire familiale.

- Je sais bien mais je n’ai pas autant de souvenir que je le voudrais, et que parfois je me demande s’ils sont vrais ou si c’est mon esprit fertile qui les a inventé ! Et oui, avec cette réplique elle pourrait facilement passer pour une schizophrène mais en fait non. Enfin j’admets que là je vois un peu tout en noir, mais ça va passer.

Elle préférait jouer la carte de l’honnêteté. C’était la situation qui faisait qu’elle ne voyait que les tragédies et aussi qu’on ne cessait de lui rappeler au Lycée. Certes, elle ne les oublierait jamais, que ça lui pesait quand les dates approchaient, mais elle aimait aussi se souvenir de leur journée en famille : le pique-nique à la plage ou elle s’était faite piquer par une bestiole, la fois ou Natéo s’était pété le poignet parce qu’il voulait l’attraper avec ses rollers, et encore bien d’autres.

Il finit par lui promettre de faire un vœu pour elle. Elle avait parlé d’étoile filante mais il y avait aussi l’os de poulet qu’on cassait, les fameux bracelets de l’amitié. Bon après c’était surtout une question de croyance plus qu’autre chose.

- Mais ça fait toujours plaisir de s’entendre dire qu’on est belle quand on a les yeux rouges et les visages tout bouffi ! Répondit-elle. Mon père me trouvait toujours à croquer après un gros chagrin, j’avais même droit à du chocolat !

Elle se contenta de se lever et de remettre son sac à dos sur son dos, pour répondre à la question. Oui, elle voulait bien marcher un peu puisque ça faisait un moment qu’elle était ici et qu’il ne faisait pas très chaud à l’ombre sans bouger.

- Je sais pas si ça fait toujours son effet maintenant !

Mais si elle le savait très bien. Naëlle et le chocolat s’étaient une longue histoire d’amour. D’ailleurs, c’était à peu près la seule chose qui trouvait grâce à ses yeux à ce moment.

- Je serai vous, je lui enverrai des ballons en forme de pingouin ! Enfin sur, sur moi ça fonctionnerait, un tout petit peu !

Oui, elle aurait l’occasion de s’en créer de nouveaux. Il y aurait ceux d’enfance, d’adolescence, de jeune adulte et d’adulte… Oui, elle ne comptait pas encore ceux du troisième âge parce qu’elle en était encore très loin. Sans oublier qu’il y aurait aussi les bons comme les mauvais. Chacun d’entre eux était important pour la construction d’une personne, pour éviter de retomber dans les erreurs déjà commises. Et il y avait aussi un très bon moyen de conserver certains d’entre eux : les photographies.

Après il fut question des hommes et des compliments. C’était à croire qu’ils avaient la trouille que ça leur écorche la langue, d’en dire un de temps en temps. Enfin il fallait admettre qu’il y avait aussi des femmes qui en étaient avare également, tout comme il lui avait des hommes qui en sortaient un toute les cinq minutes.

- Voilà qui fait plaisir à entendre ! Répliqua-t-elle. Merci pour le compliment, le remercia-t-elle.

Certes, elle savait qu’elle ne ressemblait à rien dernièrement. Elle se laissait un peu aller en oubliant de se maquiller le matin ou même de se passer un coup de peigne. Mais comme dit, ça faisait toujours plaisir à entendre.

- Chocolaaaaaaaaaat ! Dit la jeune femme en se saisissant du bonbon.

Et oui, il ne fallait pas lui en promettre et il fallait généralement la stopper quand elle y mettait le nez dedans. Une fois, elle avait bien fini le sachet de chocolat que son père utilisait en pâtisserie. Heureusement qu’elle n’avait pas été du genre à sauter dans tous les sens après avoir ingurgité autant de sucrerie.

La métisse préféra ne rien dire au sujet du destin, elle n’y croyait toujours pas. Du moins, peut être qu’un jour ça serait le cas, mais ça risquerait de prendre du temps.

- Le truc c’est qu’il faut taper juste au niveau des fleurs, voire pour les chocolats, annonça la jeune femme. Et non, pas de gugus pour un message chanté, c’est vraiment… J’arrive pas à trouver les mots… C’est effrayant.

Surtout qu’on n’avait pas voix au chapitre sur le choix de la personne qui délivrerait le message. Vous imaginez qu’elle ait la dégaine de Quasimodo et la voix d’un perroquet enroué en chantant ? La pauvre fille, elle prendrait les jambes à cou et finirait par contacter les flics.

- Je doute que ça marche ! Comme il est anglais, il serait capable de m’envoyer la Reine pour me faire ses excuses ! Fut la répartie de la demoiselle.

C’était agréable d’entendre des compliments, surtout dans des moments comme celui-ci et venant d’un étranger. Enfin, plus si étranger que ça à présent, d’autant plus qu’il connaissait plus ou moins la famille Sullivan mais plus exactement Noëlia. Ca reviendrait à mentir si elle disait que son entourage ne lui en faisait pas, elle en doutait vu qu’elle voyait son reflet tous les matins quand elle se tenait face au miroir. Elle faisait peur à voir avec ses cernes et cette pâleur dû à son manque de sommeil et d’appétit.

- Désolée, quand il est question de chocolat je ne sais plus tenir correctement ! Avoua-t-elle le plus naturellement du monde, tout en déballant le bonbon.

Elle ferma les yeux quand elle le mit dans sa bouche, Naé connaissait par cœur son chemin vu qu’elle l’avait fait à maintes reprises depuis qu’elle était môme. Entre les sorties scolaires, les visites avec Jo et Suzan et dès qu’elle avait besoin de se retrouver seule.

- Petite je volais les chocolats dont mon père se servait pour la confection de ses pâtisseries, on me retrouvait cachée sous le plan de travail !

Elle lui épargna certains détails comme quoi, elle se récoltait une bonne crise de foie quand cela se produisait mais elle en gardait un bon souvenir parce que c’était le disparu qui la veillait. Ou encore, elle réussissait à s’en coller de partout. Néanmoins, aujourd’hui elle parvenait à se modérer mais pas toujours. Cela dit, elle voulait lui expliquer le pourquoi du comment, même si c’était tout ce qu’il y avait de ridicule.

- Ne vous lancez jamais dans la carrière d’agent matrimonial, elle s’en voulut d’avoir dit une telle chose, mais c’était sorti tout seul. Le responsable était le chocolat. Peut être qu’il vous faut être plus direct vu que la séduction ne fonctionne pas.

Et en même temps, elle ne se retrouverait pas dans cette situation si elle savait s’y prendre. Elle aurait accepté de sauter le pas avec Connor et elle serait probablement avec lui, à étudier ou à boire un café en compagnie de Johanna et Suzan ainsi que Jordan, Andrew et Alex. Cela dit, il y avait du vrai dans ce qu’elle venait de dire : certaines femmes préféraient qu’on soit plus directe avec elle. Par exemple, qu’on les accule contre un mur et qu’on les embrasse sans leur laisser le temps de réfléchir. Ou alors, c’était la réputation de Jake qui l’avait précédée et qui avait fait fuir sa belle.

Elle ne put empêcher un sourire se dessiner sur ses lèvres quand il l’interrogea sur Connor et son fanatisme pour la famille royale.

- Non, il n’est pas comme ça ! Avoua-t-elle, parce qu’il jouait sur le fait que sa famille était fortunée mais pas avec elle. En fait, je crois qu’il m’aurait avec un bouquet de mes fleurs préférées et un « je t’aime », ainsi qu’un sourire ! Elle haussa les épaules face à sa faiblesse. Pas besoin d’artifices, pas de choses impressionnantes, juste de la sincérité et de la simplicité.

Heureusement qu’elle était parvenue à tenir sa langue sur le fait qu’elle le voyait dans son jean qui lui faisait des fesses à croquer, un t-shirt et sa veste en cuir. Ou encore en tenue de pingouin, elle aimait fantasmer sur comment le déshabiller. Enfin, c’était son jardin secret et ses rêves. Il ne fallait pas s’étonner qu’elle n’ose plus fermer les yeux.

- Pourquoi ne pas préparer un panier pique-nique avec les plats proposés sur votre carte, vous l’attendez à sortie de son travail et l’enlever en quelque sorte pour un diner à deux ! Sans oublier les fleurs, le champagne, les fraises et les couvertures pour ne pas attraper froid !

Non, Naé n’était absolument pas romantique ni accro au film ou série à l’eau de rose.