Une soirée en duo (ft Hazel)

Une fois qu’il m’eut déposée à la pâtisserie, je vérifiais que cette dernière était bien fermée et je passais par la porte d’entrée de derrière. Après avoir pris un médicament pour un mal de crâne naissant, j’attachais mon tablier et ouvrait le frigo.
J’adorais cuisiner. Bien sûr j’étais moins douée qu’en pâtisserie mais ça me plaisait tout autant. Pour remercier Hazel, je décidais de lui préparer un bagel au poulet et au bacon. J’aurai aimé lui préparer un plat digne des gastronomes mais d’une part j’étais fatiguée et d’autre part, il était plus que temps de faire des courses. Quoi qu’il en soit, je savais qu’Hazel était un grand mangeur. Par conséquent, j’épluchais également des pommes de terre pour faire des frites.

J’avais à peine fermé ma friteuse que quelqu’un claque la porte d’entrée.

-Hazel c’est toi ?

En même temps, Naëlle et Natéo ne devaient pas passer la soirée ici, par conséquent il n’y avait que peu de doute sur l’identité du nouvel arrivant.

-Ouais, dit-il avec une voix un peu étrange.

Un peu étonnée, je restais néanmoins dans la cuisine, continuant mon repas. Une heure plus tard, je quittais enfin les fourneaux direction le salon pour y trouver une pièce vide. Un bruit dans sa chambre m’indiqua sa présence.

-Haz ? dis-je après avoir toqué à sa porte.

Couché sur son lit, il semblait méditer sur quelque chose qui me dépassait complètement. Je jetais un coup d’oeil à la pièce qui avait bien changé depuis son arrivé puis je reportais mon attention sur le jeune homme.

-Quelque chose ne va pas ? Demandais-je en ouvrant totalement la porte.

Nous n’étions pas très proche mais c’était dans ma nature de m’inquiéter pour les gens et puis, il fallait l’avouer, je commençais à m’attacher à cet homme, un peu comme un membre de ma famille.

La route entre le garage et l'appartement n'était à présent qu'un trou noir dans mon esprit. J'avais ouvert la porte d'entrée et m'étais allongé sur le lit qu'avec des gestes automatisés et inconscients. Je ne pensais qu'à cette photo et à toutes les connexions que finalement j'avais avec cette famille. La mère avait fini en hôpital psychiatrique à la mort de son mari et mon coup de feu en avait été l'épicentre. Comme un tsunami il avait ravagé la vie de plusieurs personnes qui m'étaient jusque là inconnu. La mort d'une personne entraine toujours des conséquences et finalement dans mon métier on était bien gardé de connaitre les familles des victimes.

Comment le destin pouvait être aussi calculateur ?! Comment tous ces éléments pouvaient autant se recouper...? Et surtout allais-je pouvoir vivre avec un si lourd secret sur la conscience... Merde je ne pouvais décidément en parler qu'à une seule personne, oui demain je dirai tout à Bill, il saura surement quoi faire.
C'est au moment où je me fixai enfin sur cette décision que Noëlia apparue au chambranle de la porte.

- Quelque chose ne va pas ?

Je me redressai soudainement, pris l'air le plus décontracté possible et répondis du mieux possible :

- Ouais ouais ! juste un peu crevé c'est tout ! Ah au fait...

Je désignai alors l'autoradio et la pile de cd sur le bureau.

- Je t'ai récupéré ça, j'avais pas envie d'y laisser dans la voiture. C'est pas qu'ça craint mais on sait jamais !

- Ah ok, merci ! Bon ben le repas est prêt si tu veux, on mange devant un film dans le salon ça te va ?

- Ouais ok super ! J'arrive.

Elle quitta ma chambre peu enthousiaste quant à ma fausse joie dissimulatrice. Mentir en soi ne me déranger pas, j'avais fais ça plusieurs fois et plutôt bien je devais l'avouer mais là je n'y arrivai pas...

L'idée d'en parler le lendemain à Bill me réconfortait quelque peu. Je réussis à reprendre mes esprits et me rendis d'un pas décidé dans le salon. Les plateaux télés y étaient installés et sur la table basse plusieurs dvds étaient sortis. Noëlia sortit de la cuisine et me proposa de choisir.
"Dirty Dancing", "Fight Club" et " V pour Vendetta". Voici les trois choix auxquels j'étais exposé. Je n'avais pas une culture cinématographique énorme, je n'avais jamais vraiment eu le temps ni l'occasion de la développer et je devais avouer que je n'avais jamais vu aucun de ces trois films. Je connaissais le premier de renom et voyant pas la jaquette que c'était un film sentimental je fis directement une croix dessus. Non merci très peu pour moi !

- Alors t'as choisi ?

- Heu sincèrement... Je n'en ai vu aucun...

- Quoi ?! c'est pas possible !

Je me vautrai dans le canapé en accusant son regard incrédule puis je hochai la tête pour avouer ma faute.

- Ouaip... Tu veux pas plutôt choisir du coup ?

J’avais du mal à le croire . Hazel semblait être ce genre de personne incapable de se confier. Pour ma part, je le comprenais parfaitement, j’étais comme lui sauf quand les soupapes débordaient sans crier gare, bref, comme dans la voiture. Quoi qu’il en soit, je quittais sa chambre et retournait dans la cuisine pour préparer nos deux plateaux que je déposais sur la table basse de notre salon.  Au pied de cette dernière je déposai une bouteille de vin blanc pour moi, une de coca et une autre de whisky pour Hazel. Je ne pouvais pas l’expliquer mais j’avais le sentiment que lui comme moi, nous avions besoin de nous oublier et d’ailleurs, je ne me fis pas prier pour me servir un premier verre tout en sélectionnant deux ou trois films.

Quand Hazel quitta sa chambre tout était prêt pour notre soirée et je lui laissais donc le choix du film fou en finissant mon premier verre.

Alors t'as choisi ?

- Heu sincèrement... Je n'en ai vu aucun...

Quoi ?! c'est pas possible !

Je me doutais que Dirty Dancing, bien qu’un classique, n’était pas son trip mais j’avais cru que les deux autres feraient partie de ses tops. Qui n'avait pas vu ces films franchement ?

Ouaip... Tu veux pas plutôt choisir du coup ?

-Hum…D’accord, dis-je

Un peu fainéante je ne fis pas le tour de la table basse, me contentant de me lever et de rester à l’arrière de celle-ci et de me pencher pour ce que j’avais à faire. Je lançais donc le film que j’avais choisi, à savoir Fight club et me calait à mon tour dans le canapé aux côtés de mon colocataire qui s’était servie un verre de whisky

-A la tienne dis-je en lui souriant. Encore merci d’être venu me chercher et merci de ne pas dire aux autres le pourquoi du comment.

J’avais beaucoup de choses pour lesquelles je devais dire merci. Hazel était sans conteste tombé en pleine période adolescente et pourtant, pour le moment, il n’avait jamais hurlé à quel point nous étions tous cinglés.

- Hey ça va c'est normal, t'en fais pas... A la notre !

Nous trinquions les yeux dans les yeux comme le voulait la tradition puis je bus une grande gorgée du liquide ambrée. Il me brûla l'oesophage jusqu'à l'estomac mais allez savoir pourquoi cela faisait du bien... Je rapprochai le plateau sur mes genoux et découvris plus en détail son contenu : frites et bagel poulet-bacon elle semblait connaitre mes gouts ! Et pourtant je n'étais ici que depuis peu.

- Ça à l'air délicieux ! Dis-je l'eau à la bouche.
- Goute avant !

Je m'éxecutai croquant généreusement dans le bagel. Évidemment je ne savais pas manger autrement que comme un porc et fit alors couler de la sauce sur le plateau.

- Merde ! Murmurai-je la bouche pleine.

Je reposai le bagel et pris une serviette pour essuyer mes bétises. Je l'entendis glousser devant ma maladresse.

- Ché chuper bon ton truc !
- Merci ! C'est pas compliqué à faire tu sais...

Le film commença alors et le titre m'avait déjà interloqué de base. Les fight clubs je les connaissais pour y avoir concouru pendant quelque temps faisant rapporter pas mal de frics à mon boss.

*FLASH BACK*

- bordel Kameneff ! Dis à ton chien d'arrêter ces conneries là ! Les clients sont à deux doigts de créer une émeute ! Si au prochain round il ne fait pas durer le combat je te fous dehors toi et ton guignol, compris ?!
-Calme toi John déjà tu vas baisser d'un ton avec moi, on n'a pas élevé les cochons ensemble ok ? Ensuite t'as qu'à lui présenter des adversaires digne de ce nom, c'est quoi ces pds que t'avancent là ?! Allez j'vais essayer de le calmer et toi sélectionne des gars qui ont des couilles.

Kameneff se retourna vers moi. Cela faisait trois soir qu'il m'emmenait dans ces sous sols putrides. Dans un ring je devais aligner des gars à la chaine pendant que le public constitué de riches clients faisaient des paris colossaux. Je faisais perdre ou gagner d'énormes sommes d'argent à tout un tas d'inconnu.
Kamennef posa ses mains sur mes épaules et me fixa froidement.

- Bon écoute Haz le but du jeu c'est de les divertir ok ? Si t'alignes tes adversaires au premier coup ils vont vite s'énerver. Vend leur du rêve et fait durer le suspens c'est clair ?

- Oui...

- Bien, on y retourne.

* RETOUR REALITÉ*

- Haz...? Haz ?!
- Hein ?!
- Tu étais dans la lune ! T'es sur que ça va ?
- ouais ouais t'inquiète c'est l'effet bagel !
- ahahahaha ! T'es con !

Ce film allait être prometteur et heureusement une bouteille de whisky allait m'accompagner.

J'avais beaucoup aimé cette soirée, simple et efficace et même si ce film n'était qu'une fiction j'avais beaucoup apprécié l'univers qui me rappelait finalement un peu le mien.
Noëlia c'était blottie contre moi tout le long et une douce chaleur se dégageait de son corps. Quand elle se redressa à la fin je n'avais pas envie que ce cocon soit brisé.

Elle posa ses yeux interrogateurs sur moi et je sentais la question foireuse arriver.

-J’étais en train de me dire que je savais pas grand chose sur toi.

Et meeeerde... la semi question foireuse.

- Je t'ai dis tout ce qu'il y avait à savoir, y'a rien de plus de très intéressant tu sais...

Je me redressai un peu sur le canapé histoire de moins paraitre vautré. Mais je ne pouvais feindre son regard insistant, elle voulait savoir et malheureusement pour moi la curiosité d'une femme était plus fort que tout !

- Quoi ?!
- Mais allez arrête de faire ton gars mystérieux là dis m'en un peu plus !
- Heu... Ben...

J'attrapai mon paquet de tabac à rouler sur la table et entrepris la fabrication d'une cigarette.

- Qu'est ce que tu veux savoir ?
- Je sais pas moi, je te vois toujours sortir, t'as toujours plein de truc à faire mais je connais aucune de tes fréquentations.
- J'ai pas mal d'amis ouais mais je vais chez eux pour éviter qu'ils vous dérangent ici, c'est tout.

Je me concentrai sur le tabac à rouler pour éviter son regard mais même sans le voir je ressentais toute son insistance.

- Mon meilleur pote s'appelle Bill... En fait non c'est plus qu'un meilleur pote c'est vraiment un père pour moi, c'est le patron du garage. Je le connais depuis un bail et il m'a beaucoup aidé étant jeune.

Je coupai mon récit pour lécher la feuille puis je tapotai la cigarette pour tasser le tabac.

- Sinon... j'avais un meilleur pote, il s'appelait Nathan. Il était à l'orphelinat avec moi, on a fait les 400 coups ensemble...

J'allumai la cigarette et tirai une longue taffe. Heureusement j'avais la permission de fumer dedans quand Naëlle n'était pas présente.

- Il est mort ?

- Non... Je l'ai perdu de vue nous allons dire... tu sais après l'orphelinat nos chemins se sont séparés je sais pas trop ce qu'il est devenu.

- Tu t'en es sorti comment de l'orphelinat toi ?

Mon regard dans le sien je dégustais lentement une nouvelle bouffée de ma cigarette. Elle avait le don de trouver les questions les plus embarrassantes pour moi. Je réfléchis quelques instants avant de répondre tout sourire :

- La curiosité est un vilain défaut mademoiselle Sullivan !

- Auriez-vous des choses à cacher monsieur Warenn ?

Je souris d'autant plus face à sa répartie.

- Moi ? Non... Enfin à part une performance absolument incroyable au lit digne du dieu lui même de la luxure, non à part ça je ne vois pas ce que je pourrai cacher !

Mon tee-shirt trempé me collait à la peau et semait derrière moi de multipes gouttes d'eau allant même jusqu'à de petites flaques dans tout l'appartement. Elle avait littéralement craqué son slip ! Mais la situation m'amusait et elle ne se doutait pas des représailles dont j'étais capable !
Lentement mais surement je rejoignais la cuisine où elle s'était enfuie. Après quelques essais de fuite elle se retrouva tout de même piégé et je la maintenais fermemant par la taille tout en l'amenant vers la salle de bain.

- NON ! Haz repose moi immédiatement !!! Hurla t'elle à moitié morte de dire en se débattant de toutes ses forces.

- C'est inutile Noëlia ! Arrête de bouger tu vas te faire mal ! Ordonnai-je tout en ouvrant la porte d'un coup de pied.

J'allumai la lumière et la déposa dans la baignoire. Elle essaya de s'échapper mais je continuai à la maintenanir pendant que je m'emparai du pommeau de douche.

- Mademoiselle Sullivan vous allez maintenant répondre de vos crimes en purgeant la peine qui suit : la douche de la mort !

- NYAAAAAAH !

- Cessez donc vos bruits de vierges effarouchées et affrontez votre peine !

Sur cette dernière phrase théatrale j'allumai l'eau froide à fond et je l'aspergeai de haut en bas sans aucune pitié. Elle se recroquevilla sur elle même au fond de la baignoire en hurlant sous la température fraiche de l'eau.

- AAAH PUTAIN !

- C'est froid hein ?! dis-je en rigolant de la scène.

- Tu vas voir !!!

Dans un mouvement agile et rapide elle me tira le bras me faisant perdre l'équilibre, équilibre qui je le rappelle était fortement altéré par ma sur consomation de scotch ce soir même. En un rien de temps je me retrouvais basculant dans la baignoire à mon tour, tombant à ses côtés et recevant un jet d'eau extrêmement froid en pleine gueule.

- AAAAAH BORDEL DE MEEEERDE !!! insurgeai-je en tentant de me redresser.

Mais les paroies mouillées glissaient et je n'arrivai plus à reprendre le contrôle sur la situation. J'entendais le rire incessant de mon agresseuse qui semblait jouir de sa victoire.

- NOE JE VAIS TE TUER ! hurlai-je en me débattant contre le pommeau.

Nous étions tous les deux trempés, deux gosses mettant de l'eau de partout et riant comme des perdus. Je réussis à trouver le robinet et à arrêter l'eau avant qu'on ne recréait un océan dans la pièce.

Un silence s'installa petit à petit. Allongé sur le dos au fond de la baignoire, les jambes dégoulinantes à l'extérieure, elle recroquevillée dans un coin me fixeant de ses deux grands yeux noisettes presque innocents, c'était comme si le temps se suspendait un instant nous laissant apprécier la simplicité du moment.

Des mèches de cheveux dégoulinaient sur son visage et sa bouche pulpeuse entre-ouverte était un appel au viol. Je me pinçai les lèvres pour résister à la tentation avant de me redresser avec agilité hors de la baignoire. Je lui tendis une main pour l'aider à sortir, elle la saisit et se retrouva rapidement hors de la pataugeoire.

Mais le sol n'aida pas à la situation. Glissant comme de la glace je la retins de justesse avant qu'elle ne s'étale par terre. Encore un moment de silence rendit la situation d'autant plus délicate, elle dans mes bras, levant la tête pour me fixer dans les yeux, je n'avais qu'une envie : fondre droit sur sa bouche.

Mais je savais qu'elle fréquentait un homme en ce moment et puis ma découverte récente par rapport à son père ne me permettait pas d'oser ce genre de chose. Un peu penaud je me dégageai d'elle avant de changer très vite de sujet. Je pris une serviette que je lui balançai puis fit de même pour moi en y fourrant mon visage comme pour tenter d'oublier.