Le coucher du soleil romantique. [Chris]

Les notes défilaient les unes après les autres, parcourant le corps tout entier de Charly, qui se nourrissait de cette merveille avec un immense plaisir.
Ses yeux étaient toujours dirigés vers le soleil, du moins ce qu'il en restait, à savoir ces rayons lumineux qui n'avaient pas encore fait leur salut, ces mêmes rayons qui avaient chaque jour le privilège de partager quelques instants le ciel New-Yorkais avec la Lune.
Charly ne comprenait pas que l'on ne puissent apprécier de tels moments qu'il désignait comme relevant de la poésie. C'est ça, cette courte période de la journée où la lumière s'assombrissait peu à peu, se mariage entre la mélancolie lunaire et le bonheur solaire, tout cela était poétique à ses yeux, c'était un instant idéal qui se déroulait et que chaque être humain avait la possibilité de contempler, c'était une offrande fabuleuse, ça ne pouvait se refuser. Pourtant, les rares fois où il se laissait interpeller et, qu'ainsi, ses yeux se détournaient de cette lumière, il se rendait bien compte que peu nombreux étaient ceux et celles qui partageaient sa façon de voir le monde, d'analyser les situations auxquelles il faisait face, aussi merveilleuses qu'elles puissent êtres.

Ce soir-là il fut à nouveau dérangé dans son repos, et l'origine de ce dérangement ne l'étonna guère puisqu'il s'agissait d'un chien (ou d'une chienne, rien ne lui permettait à l'instant T de le déduire, mais cela importe peu). Si il ne fut pas étonné, c'est pour la simple et bonne raison que deux dérangements sur trois étaient d'origine canine à une heure pareille dans Central Park; tous les New-Yorkais ayant des chiens les sortaient aux alentours de l'heure à laquelle Charly sortait; la journée de travail terminée et le repas engloutit, c'était le moment idéal avant de rejoindre Morphée.
Il ôta alors l'écouteur de son oreille droite, baissa les yeux jusqu'à avoir l'animal dans son champ de vision, et, de sa main gauche, il vint le caresser.
C'est alors qu'il vit arriver ceux qui devaient très certainement être les maîtres de cet adorable créature (qui, il devait le reconnaître, était particulièrement attachante). Il arbora soudainement un teint pâle, et, une fois les personnes à son niveau, abandonna ses câlineries, prit une forte respiration, avala bruyamment sa salive et dit :

- C'est votre chien je suppose ? Il est chouette...

Une nouvelle fois encore il tenait des propos complètement ridicules, et chaque fois qu'il était mal à l'aise - c'est-à-dire environ quatre-vingt pour cent du temps - il se retrouvait confrontés au même genre de situation franchement délicate.
Tout de suite après avoir réalisé la nullité des ses propos et avoir fixé stupidement ses "camarades temporaires", l'animal étant à hauteur de ses maîtres, Charly mit à nouveau son écouteur et leva les yeux au ciel, la couleur de ses joues légèrement rougeâtre trahissant son mal-être