Reading is better if... [Jungwan]

La fatigue commençant à le tirailler, Thomas apporta son thermos remplie de café encore chaud à ses lèvres. Ses cours venaient tout juste de finir, et certains professeurs ressemblaient plus à des somnifères qu’à des professionnels. Il soupira d’un air épuisé, son soupir se transformant en un bâillement. Il apporta sa main à ses yeux noirs pour se frotter les paupières avant de diriger son regard vers son portable. 18h24. Il secoua fort la tête pour se réveiller.

Il avait des livres à rendre à la bibliothèque pour aujourd’hui dernier délai et cette dernière fermait à 19h. Il remit son sac de cours sur ses deux épaules et sortit du bâtiment à toute allure, faisant tout de même attention à ne pas tomber par terre et s’écraser le visage au sol. Courir après une nuit blanche et une journée de cours était bien plus dure qu’il ne le paraissait. Ses jambes le tiraillaient violemment, mais pas question de recevoir une autre amende pour livres non rendus. Il se précipita à la station de métro la plus proche, passant sa carte magnétique et sautant presque par-dessus la barrière qui mettait du temps à s’ouvrir pour ne pas louper le véhicule qui venait d’arriver.

Les portes se refermèrent juste derrière lui, ses cheveux retombant en désordre autour de son visage. Son sac pesait lourd sur ses épaules, évidemment rempli des six gros bouquins qu’il avait empruntés. Sa passion pour la lecture n’avait d’égale que celle pour les caféines. Le train arriva rapidement à destination, en quelque cinq minutes. Mais il courut quand même dehors, étant stressé et son ventre serré au possible. Il entra en trombe dans la médiathèque, le souffle coupé. Il souffla un coup, rassuré.

Il ramena ses livres à la machine et partit se balader entre les rayons pour trouver son bonheur, un léger sourire innocent au coin des lèvres. L’odeur du papier, la vue des étalages le réjouissait au possible. Il avait le droit à une dizaine de livres, autant en profiter pleinement. Il fouilla, fouina un peu partout et se retrouva avec une pile lui cachant presque le visage. Voir lui cachant totalement le visage. Le poids de toutes ces pages tirait sur ses muscles comme s’il était attiré par le sol. Il gémit un peu de douleur.

Alors qu’il allait arriver à l’appareil lui permettant d’emprunter tous ces trésors remplis de mots, il sentit une personne lui rentré dedans et trébucha en arrière, la pile de bouquins avec lui. Il se releva d’un coup, paniqué. Il commença à ramasser les livres rapidement, les rassemblant devant lui. Il détourna ensuite la tête, trop gêné. Mais avec son visage sérieux, ça faisait plus « Je m’en foutiste » qu’autre chose.

« Excusez-moi… » Déclara-t-il, une main se frottant la nuque.

Jungwan n'aimait pas traîner dans des endroits publics trop bondés le soir, surtout quand il faisait de plus en plus noir. La nuit pouvait être l'ami de certains, mais pas de tout le monde. Le seul endroit qui était calme, le soir, et qu'il appréciait, c'était la bibliothèque. Il s'y rendait très souvent, toujours avec quelques livres dans le sac. Avant, il prenait toujours le temps de passer par un petit magasin fort mignon, qu'il appréciait tout particulièrement pour leurs encens. Il en achetait toujours, appréciant leurs odeurs lorsqu'il les allumait le soir chez lui, avant de se coucher. C'était devenu une habitude, à vrai dire. Il en prenait, et l'allumait en regardant la télé avec un bon bubble tea dans les mains. Un vrai bonheur.

Aujourd'hui, Jungwan était bien décidé à emprunter pas mal de romans policiers. Il était dans sa passe. Et puis, c'était toujours plus intéressants que les livres bien gnan-gnan qui parlaient d'une romance toute aussi idiote que la fille principale. Il fallait se l'avouer, elles étaient bien souvent idiotes à en vomir... C'était fou, tous ces clichés dont l'humanité ne parvenait pas à se débarrasser. Jungwan les détestait tous, ces clichés.

Alors qu'il venait d'en trouver trois qui avaient l'air plutôt bien, il se retourna pour aller les emprunter, tout content. C'était limite s'il sautillait. Il les enregistra donc, et se retourna, sans vraiment regarder où il allait. Mais les gens l'évitaient. Ils avaient peut-être peu du jeune homme, avec son haut bleu bien voyant, et ses chaussures de même couleur. Et puis bon, il avait les cheveux colorés en un châtain se mélangeant à des mèches rouges depuis peu, donc, forcément, peu de gens le trouvaient fréquentables à vue d'oeil. Mais bon, des idiots, il y en a partout.

Jungwan décida d'aller se poser sur une table pour lire tranquillement, seulement, ce qu'il ne sembla pas remarquer, c'était la pile de livre mouvante qui le percuta de plein fouets. Il vit tous les ouvrages tomber dans un fracas étouffé, et se tourna vers le jeune homme qui était apparu comme par magie derrière eux. Voyant la petite touffe de cheveux blonds se baisser pour rattraper ses livres, il l'aida gentiment, et lui en tendit trois en souriant. Il était plutôt mignon, avec ses légères boucles.

"C'est moi qui suis désolé, je ne regardais pas où j'allais."

Il lui offrit son joli sourire Colgate, en penchant légèrement la tête sur le côté.

Thomas se sentait de plus en mal et gêné. Il ne supportait pas être le centre d’attention. Problème, cet accident avait fait se retourner tous les regards vers eux. Il tendit timidement la main en prenant les livres que lui tendait le coréen, murmurant un faible ‘Merci…’.Il essaya de cacher son visage derrière ses mèches blondes en baissant la tête. Il essayait du mieux qu’il le pouvait de faire tenir la pile de livres à ses pieds.

Il n’osait même pas tourner la tête vers ce jeune homme qu’il avait percuté, ne tournant que légèrement ses yeux vers lui et ne sachant pas quoi faire. Il entrouvrit ses lèvres gercées pour dire quelque chose mais le referma tout de suite après. Il hocha juste la tête et repartit en direction de l’enregistreur, ses livres calés comme il le pouvait contre son torse. Il accéléra le plus qu’il pouvait. Son cœur battait fort et son ventre se serrait de nouveau. Il se sentait ridicule d’un coup et aurait préféré s’effacer. Ou s’enterrer six pieds sous terre. C’est bien ça comme idée.

Il se sentait virer au rouge, seul dans son coin. Se ridiculiser devant un parfait inconnu dont il ignorait tout, mis à part ses origines vu son physique typé asiatique. Il était parti comme un voleur, certes, mais que pouvait-il faire ? Il avait énormément de mal à parler avec les gens, encore plus pour les remercier. Il se mit à passer un à un ses livres sous le lecteur en essayant de calmer ses tremblements. Souffler un coup, tout allait bien se passer. Le jeune adulte commençait vraiment à croire qu’il avait un problème de karma. Et d’adresse surtout. Il arrivait à se mettre dans des pétrins pas possible tous les jours, alors il y avait de quoi se poser des questions.

Jungwan remarqua immédiatement la gêne du blondinet. Il était adorable, ainsi, bien que cela ne l'enchantait pas de voir quelqu'un aussi mal. Il en connaissait pas mal, des gens qui étaient aussi apeurés pour pas grand chose, au final. Tout le monde avait ses phobies, ou ses raisons d'être gêné. Et il les respectait, contrairement à ces idiots sans nom qui ne semblaient pas vouloir détourner leurs regards du jeune homme. Il lui fit un petit sourire désolé, mais le blond ne sembla pas le remarquer. Ce n'était pas grave, mais il resta un peu inquiet lorsqu'il s'enfuit loin de lui.

En fait, ce garçon semblait plutôt faible. Et il semblait encore se faire plus petit sous les regards curieux ou énervé par le bruit occasionné par le jeune homme. Il fronça les sourcils. Les gens ne comprenaient pas qu'ils devaient le laisser? Ne pas le regarder comme ça?

Il se souvenait de l'une des fille, qui était aussi sa camarade, qu'il connaissait. Une fois, elle est restée assise dans un coin, devant des garçon qui jouaient avec du feu, alors qu'elle en avait incroyablement peur. Personne ne réagissait, personne n'éteignait ce feu, ou éloignaient ces garçons. Personne ne se souciait d'elle. Mais Jungwan, qui parfois passait presque pour un héro, avait prit un seau d'eau, avant de le renverser sur le feu, et les jeunes hommes au passage. Ils l'avaient mal pris, mais il leur avait juste sourit, sans rien dire.

Jungwan se dirigea vers un rayon, visible par tout le monde, et fit glisser ses doigts sur les reliures des livres. Il regarda tout le monde, avant de faire tomber un livre, puis deux, et trois, jusqu'à ce que tout le monde ne le regarde. Il leur sourit de toutes ses dents, avant de se baisser, afin de ramasser les livres, et de les ranger de nouveau. Certains semblaient le traiter de fou intérieurement, mais, au final, ils avaient tous détourné le regard de ce pauvre garçon, qui n'avait rien demandé. Seulement, une femme vint à sa rencontre, l'air plutôt en colère.

"Monsieur, pourriez vous faire attention?!

'Il paraît que je le pourrais, oui."

La femme parût surprise, mais partit en soupirant, comme si ce genre de cas se faisait de plus en plus fréquent. Mais ce n'était sûrement pas le cas.

Depuis aussi loin qu’il puisse s’en souvenir, Thomas avait toujours été apeuré des gens en général. Même de ses amis. On sait jamais où peut se cacher quelque de méchant ou même de dangereux après tout. Qu’on appelle ça comme on veut, que ça soit de la phobie ou de la paranoïa pure, ça le flippait. Sûrement des parents trop protecteur, en plus d’une enfance pas forcément des plus agréables, ça modèle un esprit craintif, même si par moment curieux, toujours réticent. Cela expliquait le fait qu’il avait peu d’amis après tout.

Alors qu’il rangeait comme il le pouvait ses livres dans son sac de cours, essayant de caler les plus petits dans les poches de son manteau, il sursauta en entendant du bruit un peu plus loin dans la bibliothèque. La tête blonde du jeune adulte se retourna en direction de la provenance des dérangements et fut surpris en découvrant la scène qu’il avait sous les yeux. Malgré que, il fallait le dire, ce n’était pas très poli de faire ça, il ne put s’empêcher de rire légèrement. Drôle de garçon que celui qu’il avait percuté. Mais voir quelqu’un de si heureux, de si souriant, bizarrement ; ça lui faisait de bien.

C’est vrai après tout, c’est rare quelqu’un qui sourit H24. Mais c’est pourtant si bien, et une chance pour lui. Malgré qu’il détestait, lui, son sourire créateur de fossettes de cinq étages de longs, ses lèvres s’étirèrent légèrement, dessinant une mignonne bouille d’enfant sur son visage. Il serra contre lui le seul livre qui ne rentrait pas dans son sac, un petit recueil de poème dans sa langue natale, qui lui appartenait ce pendant. Mais il avait envie de le relire. Un peu de Rimbaud, ça ne fait pas de mal après tout. Les vers du poète le faisaient toujours autant vibrer.

Il jeta un coup d’œil à l’heure sur une horloge, accroché au-dessus de l’accueil. 18h30 à peine passé, il avait le temps de s’asseoir un peu et de profiter de la plume de l’amant de Verlaine. Il alla s’installer sur une banquette vide –pas question de rester proche de quelqu’un qui pourrait nous sauter à la gorge- et ouvrit le livre, se mettant à lire les mots comme s’il dévorait un paquet d’Oréo. Mais il ne pouvait s’empêcher de relever de temps en temps le regard vers le coréen. L’asiatique avait pour sur attiré sa curiosité infantile.

Jungwan décida, maintenant que tout le monde avait détourné le regard, qu'il était temps de lire bien tranquillement, sous les yeux curieux et énervés de tous ce êtres quelque peu idiots sur les bords. Il n'aimait pas juger par un seul regard, seulement, il devait l'avouer, ce qu'ils faisaient n'était pas chose très futée. Observer un homme avec ce type d'insistance pourrait être dangereux, parfois. L'asiatique ne l'était peut-être pas, mais si une grosse brute bien montée de deux étages, avec des barres en métal à la place des bras, aurait été à sa place, à son avis, ils ne se seraient pas risqués à l'observer ainsi, pour leurs petites peau, si seulement ils y tenaient. Mais il y avait peut-être des fous.

Il alla s'asseoir à une table assez calme, où une fille lisait tranquillement avec de jolies lunettes rondes sur le bout du nez. Juste dans l'axe pour regarder le petit blond adorablement timide qui l'avait percuté. Il mentirait, s'il disait que les personnes timides avaient tendance à l'attirer. Il était très curieux, alors il voulait forcément tout savoir, surtout comment se rapprocher de ces personnes. Et le garçon l'intéressait, l'intriguait. Il ouvrit un livre, en se mettant à en lire les ligne avec un grand intérêt, en se disant qu'il devrait attendre pour relever le regard. Il pouvait être patient, parfois. Pas toujours.

Au bout de quelques minutes, il releva le regard, et croisa celui noisette du jeune homme. Immédiatement, Jungwan lui sourit de toutes ses dents. Il n'aurait pas pensé que ce petit blond le regarderait aussi discrètement... Mais il semblait plus fourbe qu'il ne le laissait paraître. Cela intriguait encore plus l'asiatique, qui se dit que, finalement, ce serait bien que la bibliothèque ne ferme plus tard. Ce serait même fantastique. Seulement, il doutait que, s'il le proposait, les femmes qui s'en occupaient seraient contentes. Oui, il n'y avait que des femmes qui travaillaient ici.

Deux vers, un coup d’œil sur l’autre, deux vers, une légère jalousie étreignant son ventre. Il aurait bien aimé être plus près du coréen, pour apprendre à le connaitre, lui parler, au moins savoir son prénom ! Mais il était sur sa banquette, et il était bien trop timide pour ns serait-ce que remercier le jeune homme et se présenter à lui. Non. Autant rester ici à le détailler discrètement. Ce garçon qui venait d’entrer dans sa vie et qui ne risquait pas dans sortir de sitôt. Il le sentait. Comme si il allait être important dans sa vie. Et Thomas l’espérait sincèrement. Il aimait beaucoup l’asiatique, même s’il l’avait rencontré en le bousculant.

Il continua son petit va et viens de son livre à la touffe coloré de cheveux des yeux en essayant de se faire le plus discret possible. Il avait presque l’impression d’être un stalker, comme quand il avait suivi ce garçon de sa classe au collège jusqu’à chez lui, sans même s’en rendre compte. Mais tant qu’il n’allait pas harceler une personne, ce n’était pas si grave, non ? Il ne pouvait juste pas s’en empêcher. Il était mignon ce garçon, et son sourire toujours resplendissant mettait un peu de chaleur au fond de son cœur.

Alors qu’il relevait son regard couleur charbon vers l’autre, il croisa ses yeux presque de la même couleur que les siens. Ses joues, cachées derrière les pages, virèrent au rouge. Pris au vif. Mais, alors qu’il hésitait à partir se cacher, la banane dessinée sur les joues du coréen le rassura. Il s’autorisa même à lui rendre un sourire chaleureux et le remerciant du regard.

Jungwan aimait bien la couleur chocolat des yeux du jeune blond. Et il remarqua que, bien qu'il se cachait derrière son livre, cela ne dissimulait pas sa gêne aux autres. Et cela l'intrigua encore plus. Il voulait vraiment en savoir plus sur ce garçon, mis à part le fait qu'il soit vraiment timide en présence des autres, et qu'il ne supportait pas le regard de ces derniers. Il soupira intérieurement -sisi-, et se demanda si cela serait une bonne idée, que d'aller le voir pour discuter avec lui. En temps normal, il ne se serait même pas posé la question, mais là, c'était différent. Il s'en fichait, quand ses amis disant qu'il était lourd ou quoi, mais, étrangement, le point de vue de cet inconnu semblait lui importer. Il pesa donc le pour et le contre.

Au bout de quelques secondes, il se dit que, peu importe, qui ne tentait rien à rien. Il ne voulait pas le gêner encore, plus, alors il se dit que, si il voulait lui parler, il le ferait, sinon il le fuirait. Et il comprendrait bien le message.

Jungwan se leva donc, et prit ses affaires. Il se dirigea vers la table du garçon, sans pour autant s'asseoir à côté de lui. Il laissa un siège de libre entre eux, et se remit à lire son livre comme si de rien n'était, et qu'il ne venait pas du tout de s'asseoir près de ce jeune homme fort étrange et intriguant. Rien de tout cela, vraiment. Il était venu "par pur hasard" dans ce coin plus tranquille, si il ne voudrait pas lui parler.

Thomas n’avait pas lâché des yeux l’autre, toujours sa bouille enfantine dessinée sur le visage. Qui se transforma en moue triste quand ce dernier se leva. Alors comme ça il s’en allait ? Dommage, il aurait aimé profiter encore de la vue, l’observer jusqu’à connaitre par cœur chaque traits de son visage. Il était comme ça, quand il s’attachait, il s’attachait. Et pas qu’un peu.

Il suivit du regard les mouvements de l’asiatique, caché derrière son petit recueil. Il fronça les yeux, en se rendant compte que les jambes fines se dirigeaient vers lui. Avant que l’information monte à son cerveau. Lentement. Le coréen venait à se table. Il se recacha derrière son livre alors que l’autre s’installait. Son cœur battait la chamade, il avait honte. Un peu beaucoup. Trop. Il avait l’impression d’être une collégienne à fleur de peau.

Son regard, après une minute où deux, se retourna vers le jeune homme. Il était encore plus timide et gêné que d’habitude. Les hormones, maybe. Il avait l’impression qu’on lui avait coupé la langue. Il voulait parler à ce garçon, mais aucun mot ne voulait se former correctement dans sa tête. Il finit par fermer son livre, et tendre sa main tremblante à l’autre après une effort qui lui sembla surhumain.


« Je… Je m’appelle Thomas… »


Sa voix était faible, et son accent avait totalement déraillé.

Jungwan, en ayant vu le mouvement du jeune homme, fut rapidement interpellé, et releva le regard vers le jeune homme. Et il sourit. Voir ce garçon tout timide lui tendre la main lui faisait étrangement plaisir. En fait, il n'aimait pas spécialement les personnes réservées. Il avait toujours peur qu'il n'y ait une grosse incohérence de caractère entre sa propre personnalité et celle de ces gens. Mais il pouvait faire des efforts, parfois. Des exceptions, ça existait toujours. Et peut-être que cet inconnu en était une. Enfin, peut-être que Thomas en était une. Il attrapa sa main et la serra gentiment. Sa paume était chaude.

"Enchanté! Moi c'est Kim Jungwan! Mon prénom n'est pas Kim hein, c'est Jungwan. Je préviens parce que certains se trompent."

Il lui fit son beau sourire, avant de mettre un marque page dans son livre, et de le fermer. Il releva le visage vers le jeune homme, en penchant la tête sur le côté, d'un air un peu curieux. Il pouvait bien lui poser des questions, maintenant, non? Enfin, pas trop directement. Il ne voulait pas lui faire peur, non plus. Ce n'était pas son but. Mais disons qu'il pouvait au moins essayer une approche gentille, non? Ce jeune homme lui paraissait vraiment sympathique.

"C'est la première fois que je te vois ici. J'espère que tu vas mieux, depuis toute à l'heure."

Ouais, niveau délicatesse, on pouvait revoir la définition. Mais il n'avait jamais été très doué, hein, il ne fallait pas s'étonner. Certaines personnes aimaient bien sa façon de parler, et d'autres non. On a pas que des amis, sur terre. C'est bien dommage, mais c'est ainsi.

Thomas sourit en sentant la douceur de la peau de l’asiatique contre la sienne, reprenant déjà un peu plus confiance en lui-même. Après tout, le coréen n’avait pas l’air méchant ou menaçant, et même plutôt assez gentil et chaleureux. Le sourire de trois kilomètre de long de ce Jungwan le rassurait, le réconfortait même.


« Entendu, je retiendrais. »


Je ne savais pas quoi dire, je n’étais pas du genre à entamer les conversations, même si des milliers de question lui passait en tête. Du simple ‘Comment tu vas ?’ au plutôt direct ‘Tu veux m’épouser ?’ Mais qui ne tente rien n’a rien. Donc le petit français n’aurait rien. Il se sentit gêné à la phrase de l’autre. Alors son mal être se voyait tant que ça. Il baissa doucement les yeux, souriant très légèrement.


« O-ouais… Grace à toi-. Je veux dire, enfin, merci.. »


Il releva ses orbes noirs vers l’autre, se passant une main dans sa touffe de cheveux sauvage. Ca lui faisait un bien fou de parler avec quelqu’un de façon à peu près normal. Il avait très peu d’amis, et pas forcément très proche mise à part quelques exceptions, alors c’était déjà un gros effort pour lui de discuter avec un parfait inconnu.

Il y avait plutôt intérêt! Enfin, déjà, puisqu'il allait sûrement ne pas le lâcher de si tôt, il y avait de nombreuses chances que ce jeune homme ne l'oublie pas. Il ne comptait pas se faire oublier, foie de Jungwan. Il posa son menton sur ses paumes, liées, à plat sur la table devant lui. Ses yeux se posèrent sur le visage un peu rond de Thomas, et il se dit qu'il avait de beaux yeux sombres.

"Tant mieux, et de rien!"

Il lui offrit un petit sourire. C'était adorable, la façon dont il s'exprimait. En bégayant à moitié, et en cherchant des mots particuliers. Mais il se demandait s'il restait comme cela même lorsque l'on avait appris à bien le connaître. Qui sait? Parfois, les gens sont très timides, même avec les personnes qu'elles apprécient. C'est toujours difficile, pour certains, de dévoiler ses véritables sentiments. Et puis, même les gens qui ne sont pas forcément timides peuvent parfois se sentir extrêmement gênés lors d'une conversation, non?

"Au fait, tu as quel âge? Moi j'en ai dix-huit."

Il voulait juste savoir s'il était plus jeune ou plus vieux que ce garçon. Parce qu'il ne paraissait pas forcément plus vieux, ni bien plus jeune. Mais il ne souhaitait tout simplement pas se faire d'idées, juste à cause d'une simple supposition. Alors autant en être sûr, et même certain. En réalité, il serait vraiment surpris si il lui sortait qu'il en possédait vingt-cinq, mais il était pratiquement sûr que ce n'était pas le cas. Parce qu'il semblait avoir un an de plus ou de moins que lui, voire le même âge que lui, tout simplement.

Thomas était heureux d’avoir rencontré quelqu’un qui semblait comprendre son malaise. Ca le mettait plus en confiance. Ce n’était pas souvent qu’il rencontrait une personne comme Jungwan, toujours si souriante, confiante, gentille, amicale. Le français continua de se triturer les doigts sous la table, les mains moites. Quelque chose c’était activé dans son corps. Une chaleur rassurante émanait doucement de son ventre.

La façon dont le garçon était posé sur la table lui donnait un côté très mignon. Il avait ce quelque chose que les autres n’avaient pas aux yeux du blond. Ce n’était pas définissable. Son aura peut-être ? Il détestait sa timidité, et il aurait surement tout donné pour avoir autant d’assurance que l’asiatique. C’était le genre de garçon qu’il admirait et qu’il considérait comme des presque héros.


« J’ai dix-neuf ans, mais il parait que je les fais pas. »


Un petit rire nerveux s’échappa d’entre ses lèvres gercées par le froid encore présent malgré le printemps qui pointait le bout de son nez. Fatigué, il amena ses mains à ses yeux et frotta ses paupières tel un petit rongeur de type hamster. Avant de bien sur les remettre sous la table pour recommencer de se triturer les phalanges.

Jungwan sourit devant la mine plutôt mignonne de son vis-à-vis. Il devait bien avouer qu'il ne faisait pas vraiment ses dix-neuf ans, mais il ne lui en aurait pas donné beaucoup moins pour autant. Au moins, on ne lui disait pas qu'il en faisait trois voire quatre de plus. Oh, mais ce n'était pas le cas de Jungwan non plus. On lui donnait toujours tout pile son âge, et plus rarement une année de plus ou de moins. Cela ne le dérangeait pas, et il répondait souvent avec son magnifique sourire un: "Presque!". En fait, si il donnait l'impression d'être moqueur, parfois, ce n'était pas réellement son intention.

"Mais tu les fais presque, sourit l'asiatique."

Il continua de regarder le jeune homme, et finit par se relever légèrement, tout en se disant qu'il avait fini d'examiner le visage de Thomas.Ce qui était plutôt facile, étant donné qu'il ne bougeait pas. Il se dit qu'il était plutôt mignon, avec ses boucles blondes et ses yeux noisettes. En réalité, Jungwan n'aimait pas particulièrement juger par rapport au physique. Mais il fallait toujours commencer par là.

"Et, donc tu étudies encore ou tu as déjà trouvé un petit travail?"

Voire un grand. Si ça se trouve, il était déjà PDG d'une entreprise. Enfin, à son âge, cela semblait presque impossible, mais on ne sait jamais. Oui, Jungwan était très naïf.

Thomas se sentait un peu idiot à sourire continuellement, comme ça. Ce n’était vraiment pas dans ses habitudes. Mais ça lui faisait du bien. Ca le détendait. Il en oubliait même le monde autour, tous ces gens dont d’habitude le regard jugeur lui donnait envie de pleurer et de se renfermer sur lui-même des semaines entières. Justement, son regard. Il y avait quelque chose dans le regard de Jungwan qu’il n’avait jamais vu avant, et qu’il ne pourrait décrire. Mais ce qui était sur, c’est que ce n’était pas désagréable.


« Merci, c’est vraiment gentil… »


Même s’il était grand, il avait déjà reçu des : « Hé, qu’est-ce que tu fais là ? Tu ne devrais pas être au lycée en train de bosser ? Les jeunes de nos jours.. » Et bien sûr, avec sa timidité légendaire, il perdait totalement ses moyens. Il passa une main dans ses cheveux pour remettre une mèche rebelle derrière son oreille.


« Euh… Je fais des études en art dramatique… Et je travaille dans un petit café pas trop loin de l’université… »


Il sourit en coin et planta ses orbes sombres dans celle de l’autre.


« Et.. Toi ? »

Jungwan ne s'attendait pas à cela. Ainsi, donc, Thomas faisait du théâtre? Surprenant, aux vues de sa timidité. Mais il ne fallait pas juger les gens au premier coup d'oeil, n'est-ce pas? Il posa sa tête sur sa main, en observant le visage de son vis-à-vis d'un air distrait. Il se souvenait très bien du fait que, lui, étant plus petit, n'avait jamais été doué en théâtre. Il avait toujours été le remplaçant, et, avec un peu de chance, le figurant numéro trois. En même temps, il soupçonnait les professeurs de ne pas le prendre pour sa maladresse. Imaginez, en plein milieu d'une représentation : alors que le personnage principal veut avouer ses sentiments à la femme qu'il aime; il se ratatine par terre. Sans aucune élégance, soyons bien clairs.

"J'étudie le droit! Pour devenir un grand avocat! Oh, je sais que se faire un nom dans ce type de métier, c'est dur, mais je sais que je vais y arriver. Parce que c'est en persévérant qu'on parvient à nos fins."

Jungwan sourit un peu. Il devait avouer que ce n'était pas la motivation qui lui manquait. Il avait toujours été quelqu'un qui cherchait le plus possible à atteindre ses objectifs. Mais bon, il ne pensait pas non plus avoir un mental en acier, qui parviendrait à le convaincre éternellement qu'il parviendrait à ses fins. C'était ce qu'il voulait, mais personne ne peut s'empêcher de se torturer l'esprit un jour ou l'autre.

"Et c'est dur? Je veux dire, je ne m'y connais pas beaucoup là-dedans..."

Thomas fut très impressionné de voir à quel point ce garçon était ambitieux. Il aurait avoir autant de courage. Il fallait dire qu’il n’avait jamais vu un avocat avec les cheveux multicolores et un immense toujours aux lèvres. Mais en avoir un dans ses amis, même si on n’a jamais fait de bêtises de toute sa vie, ce n’était pas plus mal. Pas qu’il comptait faire quelque chose de mal, non, bien au contraire. Il n’y avait surement pas plus gentil et angélique que lui, mais si jamais. Lui, il n’était pas aussi optimiste que Jungwan. Tant qu’il pouvait faire ce qu’il aimait.


« Bas… Pas vraiment… Je veux dire, j’ai l’habitude maintenant. J’en fais depuis que je suis tout petit et j’ai une bonne mémoire. Il parait que j’ai un bon jeu d’acteur aussi, donc ça m’est vraiment utile… »


Ca étonnait toujours les gens que quelqu’un d’aussi timide que Thomas fasse du théâtre. Mais le plus dur pour lui, c’était de s’entendre avec les autres comédiens. Le public ? Les projecteurs, aveuglant, permettent de ne distinguer aucun visage. Même quand le public est éclairé, il n’y faisait même pas attention. C’était comme un décor. Même en les regardant dans les yeux, il ne les voit pas. Il a toujours réussi à les oublier. Mais quand on connait le français, et qu’ensuite on le voit sur une scène, ça fait un choc. Comme si on voyait une autre personne.


« Et toi, ce n’est pas trop dur.. ? Je n’y connais pas grand-chose non plus, j’ai jamais à faire à la justice… »

En réalité, si Jungwan voulait devenir quelqu'un d'assez connu dans ce milieu, ce n'était pas particulièrement pour l'argent. Bien qu'il aime énormément l'argent, hein. Qui ne l'aimait pas? Bref, non, il voulait juste montrer que n'importe qui pouvait atteindre ses objectifs. Parce qu'il savait bien que certains ne le prendraient pas trop trop au sérieux avec des mèches oranges dans les cheveux. Ou encore avec un costard rouge. Oui, il aimait bien en porter. Et il ne fallait pas trop le juger, puisqu'il assumait pleinement. Même qu'une fois, une jeune demoiselle lui a très gentiment dit que cela lui allait bien! Après, savoir si c'était parce qu'elle avait lorgné sur son fessier toute la soirée ou non, cela ne l'intéressait pas des masses.

"J'aimerais vraiment te voir jouer, un jour!"

Il avait dit ça, avant d'afficher un grand sourire. En réalité, Jungwan avait toujours aimé regarder les pièces de théâtre. Pas celles d'enfants de trois ans, hein, mais celles que l'on peut voir dans les grands théâtres. Cela lui paraissait plus intéressant. Et puis, il fallait le dire, Jungwan aimait aussi les histoires farfelues de certaines pièces! Il l'était lui-même, alors autant vous dire que c'était plaisant.

Jungwan eut un sourire amusé. Il reprenait le même type de questions que lui.

"Je trouve que ça va! Il faut être bien accroché, c'est sûr. Et ne pas se laisser marcher sur les pieds, bien que certains y arrivent même quand c'est le cas, mais on s'en sort!"

Le voir... Jouer ? Thomas avait l'habitude que ses amis veuillent venir le voir, mais il ne préférait pas savoir s'ils étaient dans la salle. Ca le stressait d'autant plus. Alors que le coréen lui demande ça, alors que rien que de lui parler lui avait demandé un effort monumental, lui mit un coup de stresse impossible à gérer. Si le décor tombait ? S'il se prenait dans les fils et qu'il tombait lui même ? Si il avait une extinction de voix ?! Ou même tout simplement si Jungwan trouvait qu'il jouait mal..? Il déglutis alors qu'un haut le coeur le prenait et que l'envie de vomir son déjeuner le prenait. Il hocha simplement la tête avec un petit sourire pour lui signaler qu'il pouvait.

"Je... Vois... Tu es bien courageux alors."

Jamais le français n'aurait pu évolué dans un milieu pareil, toujours sous pression. Au théâtre, il n'avait jamais trouvé un quelconque esprit de compétition. Quoi qu'il y avait bien ce garçon, il y a quelques années, qui l'avait détesté parce qu'il n'avait pas eut le premier rôle. Mais les gens dans ce milieu était bien souvent des personnes adorables, assez marginales et fortes en caractère. Et c'est ça qu'aimait le blond, l'ambiance qui trônait en salle de répétition.